Tous les articles par 280178

DOCTEUR EN SCIENCES POLITIQUES/ CHERCHEUR MOYEN-ORIENT/ CONSULTANT INTERNATIONAL/ INTERNATIONAL CONSULTANT

« Le naufrage de la Méditerranée »

LE NAUFRAGE DE LA MÉDITERRANÉE

 

Mer fermée mais mer d’ouverture, la Méditerranée se replie malheureusement jour après jour sur elle-même depuis des années pour devenir une frontière infranchissable entre ses rives nord et sud. Berceau de l’humanité, elle semble devenir aujourd’hui un cimetière marin mais également la nécropole des relations avec l’Europe.

 

Le contexte géopolitique fracassant dans lequel est plongée la Méditerranée depuis quatre ans renvoie dos à dos Union européenne et monde arabe sur la véritable dynamique de dialogue et de coopération à adopter pour pacifier et réhumaniser cet espace unique au monde. L’image du petit Aylan Kurdi, 3 ans, mort sur les côtes turques, a fait le tour du monde et est devenu le symbole de ces millions de réfugiés qui ont fui les guerres en Syrie en Irak, mais aussi de ces milliers de Subsahariens qui tentent chaque année l’Eldorado depuis le Maghreb vers Gibraltar ou Lampedusa. L’Europe a peur et se replie. Ce livre est le récit politique de ce naufrage des relations humaines.

 

Pourtant, il faut bien comprendre que ces vagues d’immigration, qui ont aussi fait et refait l’Europe plusieurs fois dans son histoire, ne sont que le début d’un long voyage pour des millions d’individus qui fuiront non seulement les guerres engendrées par l’homme, mais également, et surtout, les changements climatiques causés par l’homme. C’est alors que les êtres humains n’auront plus d’autre choix que de redevenir solidaires s’ils veulent survivre.

 

––––––––

Sébastien Boussois est docteur en Sciences politiques, ancien conseiller scientifique de l’Institut MEDEA (Institut Européen de Recherche sur la Coopération Méditerranéenne et Euro-arabe à Bruxelles), chercheur associé au Centre Jacques Berque (Rabat/ Maroc), au REPI (Recherche et Enseignement en Politique Internationale, Université Libre de Bruxelles), à l’UQAM (OMAN- Université de Montréal), enseignant en relations internationales, conférencier et consultant en stratégie politique et communication notamment sur le Moyen-Orient et questions euro-méditerranéennes.

–––––––––

Format 145X190

216 pages

EAN 9782367601144

20€

sortie nationale le 18 janvier 2018

https://www.erickbonnier-editions.com/essais/le-naufrage-de-la-m%C3%A9diterran%C3%A9e/

 

 

LE NAUFRAGE DE LA MEDITERRANEE, réédition revue et actualisée 2018

Mer fermée mais mer d’ouverture, la Méditerranée se replie malheureusement jour après jour sur elle-même depuis des années pour devenir une frontière infranchissable entre ses rives nord et sud. Berceau de l’humanité, elle semble devenir aujourd’hui un cimetière marin mais également la nécropole des relations avec l’Europe.

 

Le contexte géopolitique fracassant dans lequel est plongée la Méditerranée depuis quatre ans renvoie dos à dos Union européenne et monde arabe sur la véritable dynamique de dialogue et de coopération à adopter pour pacifier et réhumaniser cet espace unique au monde. L’image du petit Aylan Kurdi, 3 ans, mort sur les côtes turques, a fait le tour du monde et est devenu le symbole de ces millions de réfugiés qui ont fui les guerres en Syrie en Irak, mais aussi de ces milliers de Subsahariens qui tentent chaque année l’Eldorado depuis le Maghreb vers Gibraltar ou Lampedusa. L’Europe a peur et se replie. Ce livre est le récit politique de ce naufrage des relations humaines.

 

Pourtant, il faut bien comprendre que ces vagues d’immigration, qui ont aussi fait et refait l’Europe plusieurs fois dans son histoire, ne sont que le début d’un long voyage pour des millions d’individus qui fuiront non seulement les guerres engendrées par l’homme, mais également, et surtout, les changements climatiques causés par l’homme. C’est alors que les êtres humains n’auront plus d’autre choix que de redevenir solidaires s’ils veulent survivre.

 

 

Format 145X190

192 pages

EAN 9782367601144

18€

Sept raisons qui expliquent les attentats de Barcelone, paru sur le Huff Post

7 raisons qui expliquent pourquoi Barcelone est l’un des centres du djihadisme en Europe

C’est le carrefour de tous les possibles de la cause djihadiste

 20/08/2017 07:00 CEST | Actualisé 21/08/2017 09:37 CEST

SERGIO PEREZ / REUTERS
7 raisons qui expliquent pourquoi Barcelone est l’un des centres du jihadisme en Europe.

Le 17 août 2017, l’Espagne qui était épargnée jusque là par les attentats qui endeuillent l’Europe depuis plus de deux ans, n’a pas échappé à une certaine forme de destin commun. Pourquoi, ce pays, qui n’avait pas connu de violents attentats liés à l’islamisme violent sur son sol depuis les terribles attentats de Madrid à la gare d’Atocha en 2004 sur les trains de banlieue faisant 191 morts, est de nouveau touché en son coeur touristique, Barcelone? Quelques pistes de réflexion peuvent être évoquées sans être à ce jour définitives, et tant que l’enquête n’aura pas porté l’ensemble de ses fruits.

  • La première raison serait probablement de dire que les attentats aveugles, pilotés par Daech ou devancés par quelques « bons » soldats inspirés et convaincus par son idéologie, ont justement pour but d’être aveugles, de finir par toucher le plus grand nombre ou des cibles symboliques, un peu partout sur le Vieux continent. L’objectif de l’État islamique, ou ce qu’il en reste, est de parvenir à semer les graines de l’enfer où iront tous les mécréants adeptes d’un mode de vie qu’ils considèrent comme délurés; en gros, tous les pays européens. Le but ultime est de polariser nos sociétés en agitant le chiffon rouge de la guerre civile entre Européens non-musulmans et musulmans silencieux, stigmatisés pour certains, complices pour d’autres.
  • La seconde raison est peut-être la force du symbole. Daech cherche à nous plonger corps et âme dans le choc de civilisations tant fantasmé par Samuel Huntington. Le retour des « guerres de religions », dans un contexte de réenchantement spirituel du monde depuis les années 1970, qui opposeraient les musulmans aux chrétiens serait une des clés de cette transformation de la géopolitique mondiale. Si Daech en difficulté se repositionne, en développant des « franchises » en Indonésie (premier pays musulman au monde), ou dans les pays d’Afrique centrale où les tensions entre musulmans et chrétiens ont déjà provoqué le chaos (Soudan par exemple), ce n’est pas un hasard. Quant à l’Espagne? Il ne peut pas viser meilleure symbolique « catholique » que ce pays en Europe, responsable de la fin d’un des grands califats du monde arabe, celui d’Al Andalous du grand Haroun El Rachid avec la Reconquista d’Isabelle: spécificité catholique qui n’a de cesse de se renforcer en Espagne justement peut être par effet de levier. Et ce, sur la seule terre qui fut arabe en Europe.
  • Troisième raison: Barcelone, son tourisme, sa vie festive occidentale, son ouverture gay friendly bien connue, la grande cité balnéaire gay de Sitjes également réputée mondialement, font de la ville de Gaudi, un parangon de l’anti-modèle. Encore plus réputée que Madrid pour son goût de la fête, elle attire les noceurs, les adeptes des paradis artificiels comme du commerce sexuel. Le quartier de Las Ramblas où s’est déroulé l’attentat du 17 août dernier, faisant 14 morts et plus de 80 blessés, est le coeur géographique névralgique de cette vie honnie par les djihadistes. Voilà une ville parmi tant d’autres, qui symbolise un cocktail qui a de quoi largement contrarier le souhait de société mondiale purifiée de ses vices, par Daech.
  • D’un point de vue international, et c’est la quatrième raison, l’Espagne est engagée dans la coalition internationale contre Daech. Si elle ne fournit pas un appui militaire direct dans les bombardements, elle a concouru depuis 2014 à la formation en Irak de près de 20 000 militaires en envoyant 300 instructeurs. De quoi donner du fil à retordre à Daech qui, dans sa revendication de l’attentat du 17 août 2017, justifiait bien son action par l’action de l’Espagne, mais était aussi un avertissement à tous les autres pays candidats ou déjà participants à la coalition. Côté syrien, Madrid apporte son concours à celle-ci par le biais d’une aide financière importante.
  • Cinquième raison: la situation économique et sociale en Espagne depuis 2008 a mis dans la difficulté des milliers d’immigrés marocains saisonniers, donc leurs familles au Maroc ou ailleurs, venant dans le sud de l’Espagne pour participer aux récoltes. Sans préjuger à l’heure actuelle de l’étendue des profils impliqués dans la filière et ses ramifications liée à l’attentat de Barcelone, la dimension marocaine d’un certain nombre d’entre eux semble déjà ressortir: notamment avec Driss Oukabir, celui qui conduisait la fourgonnette sur Las Ramblas. Depuis la crise de 2008, on assiste en Espagne à une montée des tensions xénophobes, et notamment anti-marocaines. En effet, la mise en concurrence extrême des emplois saisonniers depuis ne fait pas que des heureux. Par ailleurs, on se souvient de ratonnades violentes en 2000 à El Jedido à la suite de l’assassinat de trois Espagnols par deux déficients mentaux marocains. Les tensions entre autochtones et Marocains sont persistantes depuis dix ans, pendant que d’autres sont restés sur le carreau et dans des conditions légales et économiques dramatiques. Certains jeunes ont probablement fermenté depuis dans leur coin et se sont retrouvés marginalisés, enfermés dans la petite délinquance, comme en Belgique d’ailleurs. Pourtant, le basculement au grand banditisme et au terrorisme est loin d’être évident: le chiffre des départs depuis l’Espagne vers la Syrie n’a été que de 70, contrairement à plus de 1000 pour la France par exemple, soit en réalité rapporté à la population des deux pays, dix fois moins: « Entre 1996 et 2012, 17 % des personnes condamnées ou mortes en Espagne dans le cadre d’activités liées au terrorisme jihadiste étaient de nationalité espagnole. Seulement 5 % étaient nées sur le sol espagnol ».
  • Cela nous conduit à notre sixième raison: la spécificité de la Catalogne. A l’image de la Flandre en Belgique, et pour expliquer la montée de la radicalisation plus importante et plus précoce côté flamand, il y a depuis longtemps une forte présence musulmane marocaine et pakistanaise à Barcelone. Les liens se sont naturellement tissés entre les 300 000 musulmans de Catalogne et le reste du continent, les dérives de certains aussi. Mais il y a un parallèle intéressant à faire entre ce qui s’est passé en Catalogne et en Flandre. La Catalogne par ses velléités indépendantistes a toujours favorisé les revendications identitaires et spécificités culturelles diverses, tout en écartant bien évidemment la valorisation des valeurs nationales républicaines. C’est ce qui s’est passé en Belgique: les associations marocaines ont été largement soutenues dans leur différence et identité. Mais la différence de politique au sujet de « l’intégration » de l’identité des Belgo-marocains entre Flamands et francophones a eu des effets pervers. Si la Flandre a davantage investi pour la dite-intégration, elle a renforcé le ferment culturel et identitaire marocain de manière imprévue et plus extrême que du côté francophone- où peu a été fait au début, misant sur une « intégration » et assimilation de fait. Ainsi, le communautarisme côté francophone s’est fait de l’intérieur, seul, et à l’aide d’agents extérieurs sans le concours initial des politiques: en Flandre par exemple, les autorités ont toujours soutenu le regroupement d’associations qui seraient des interlocuteurs privilégiés, ce qui n’a pas été pendant très longtemps le cas y compris à Bruxelles. Comme un effet pervers, le différentiel politique a donc renforcé un sentiment national non belge, alors que côté wallon et francophone, cette politique n’existant pas, on pourrait en déduire que le sentiment d’appartenance à l’identité belge a été mieux réussi. Ce qui expliquerait alors la plus grande radicalisation côté flamand et jusqu’aux premiers départs survenus essentiellement pour la Syrie depuis la ville flamande au nord de Bruxelles de Vilvoorde avant même le cas tant cité de Molenbeek? Est ce un hasard si longtemps on a qualifié la Catalogne, elle aussi nationaliste en rébellion face à Madrid, de « plaque tournante du djihadisme »? À tel point que pour la CIA dès 2010, la Catalogne était « le foyer du djihadisme européen », à la croisée du Maghreb et du coeur de l’Europe avec la France. Elle avait même ouvert un bureau d’opérations anti-djihad à… Barcelone. La politique antiterroriste en Espagne a été très active notamment à Barcelone depuis 2015 et les attentats de Paris et de Bruxelles. Depuis, l’activité des adeptes de Daech a glissé un peu plus vers le sud, notamment à Valencia et Alicante. Depuis 2012, près des 3/4 des arrestations d’islamistes radicaux qui ont eu lieu en Espagne, l’ont été en Catalogne.
  • Dernière raison et pas des moindres: les liens politiques entre l’Espagne et le Maroc découlent souvent des éléments énoncés plus haut. Ces relations ont connu des hauts et des bas. Même si un partenariat stratégique et durable existe entre les deux pays, il ne faut pas oublier que Madrid joue quand même le rôle de garde-fou à l’entrée de l’Europe. Et de un car Ceuta et Melilla, ces enclaves espagnoles en territoire marocain, représentent une porte d’entrée convoitée, et pressurée par l’immigration illégale. L’Union européenne ne parvient pas à juguler ce flux. Exemple: le 25 juillet 2017, un policier espagnol avait été agressé au couteau par un homme ayant franchi la frontière à Melilla. Deuxièmement, car le trafic de hachisch entre l’Europe et le Maroc, premier producteur mondial, passe soit par la Belgique et le port d’Anvers (…), soit par l’Espagne, où une partie de l’immigration marocaine représente un puissant relais, comme ce fut le cas en Belgique dès les années 1960. Sur le terrain de la petite délinquance, Daech a su exploiter le profil de nombre de jeunes rodés à se faufiler entre les mailles de la police. Certains ont cédé aux sirènes de l’argent et de la reconnaissance facile, par l’appel à la mort des autres ou par la leur. Barcelone devient alors la grande ville internationale incontournable sur le chemin de l’Europe pour un certain nombre de ces délinquants.

La question qui demeure, tout comme ce fut le cas à Bruxelles: pourquoi s’en prendre aux villes qui représentent pourtant pour ces filières une arrière-base idéale d’où mener d’autres opérations à l’avenir en toute discrétion malgré les opérations policières?

Du même auteur: France Belgique la diagonale terroriste, avec Asif Arif, editions Jourdan La Boite a Pandore, 2016

Tribune Le Devoir (Québec) Contrer la radicalisation passe par la lutte commune

IDÉES

Contrer la radicalisation passe par la lutte commune

4 mai 2017 | Sébastien Boussois – Chercheur en sciences politiques associé à l’ULB (Bruxelles) et formateur à Unismed (Nice), spécialiste des relations euroméditerranéennes et coauteur avec Asif Arif de «France Belgique. La diagonale terroriste» | Actualités en société

Depuis que Daech semble en déroute sur la terre de Cham, jamais le monde n’a semblé avoir été autant sous la menace aveugle de terroristes solitaires, du Moyen-Orient à l’Europe, de l’Afrique à l’Amérique du Nord. La réalité est que, si un territoire se fait peau de chagrin, l’idéologie qui a animé le projet du groupe État islamique a largement essaimé de façon directe ou insidieuse dans la tête de milliers de jeunes frustrés, déçus, ou en recherche d’un destin.

Les terribles attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015, Bruxelles le 22 mars 2016, sont encore dans tous les esprits des Français et des Belges, mais également des Européens. L’attentat contre la mosquée de Québec le 30 janvier 2017 a marqué un coup pour un Canada multicommunautaire. Depuis les attentats de Londres en 2005, la tolérance, voire le laxisme, à l’égard du « Londonistan » s’était éteinte. […]

La volonté de Daech de toucher au coeur nos « modèles » d’intégration, du Vieux Continent au Nouveau Monde, est claire. […]

Parce que, dans les trois pays visés, la diversité ethnique, culturelle, sociale, peut encore et doit continuer à être perçue comme une richesse. Que vise l’idéologie de Daech ? Le chaos et la polarisation de nos sociétés, provoquer un choc culturaliste en montant les « musulmans » contre les « chrétiens ». Quel point commun entre tous ces attentats ? Une volonté claire de provoquer une guerre civile au sein même de nos sociétés. Quelle différence ? L’endoctrinement de quelques jeunes « homegrowners » musulmans d’un côté, la folie d’un étudiant canadien aux idées nationalistes et racistes de l’autre.

Un travail quotidien

Dans un contexte de montée mondiale des populismes, panser ses plaies devient un travail quotidien pour les centaines de personnes meurtries psychologiquement par ces drames. Du côté des « professionnels », les services de sécurité comme de prévention de la radicalisation, la longue route pour permettre de mieux « penser » ces plaies est en marche.

Car il y a toutes les raisons de croire que nous ne sommes qu’au début d’une lame de fond qui germe dans nos sociétés qui semblent de moins en moins inclusives.

Parce que trop longtemps en réaction contre d’hypothétiques menaces, nous avons tout misé sur le sécuritaire et sur la stigmatisation des minorités. Et ce, au risque de détricoter des réseaux locaux importants de prévention des déviances de la post-adolescence, depuis l’école jusqu’aux services sociaux, de la protection de l’enfance jusqu’aux associations de prévention de la radicalisation (quelles qu’elles soient, des sectes comme les Témoins de Jéhovah aux familles nouvel âge qui refusent la médecine moderne et les vaccins, etc.).

En attendant, des jeunes continuent à décrocher et verront encore longtemps en Daech ou ses succursales un potentiel pour rêver d’une meilleure existence, et s’ils ne trouvent pas de vrai sens à leur vie, ils finiront par au moins en trouver un à leur mort. Pire, des illuminés de tous poils se radicalisent en fusionnant leur trouble psychologique et l’adrénaline provoquée par le déclenchement de la violence contre les autres et contre soi.

Pour lutter contre ces déviances qui peuvent rapidement virer au tragique, de nombreuses organisations de prévention de la radicalisation, timidement soutenues jusque-là par l’État, peinent à rattraper leur retard. Au Canada, à Montréal, le CPRMV (Centre de prévention de la radicalisation de Montréal menant à la violence), fort de son expérience de « désengagement » d’un certain nombre de jeunes de l’extrême droite violente, est à la pointe. Son action doit nous servir en Europe. Quand on sait que le Québec est l’État canadien qui compte le plus grand nombre de groupes d’extrême droite et que le CPRMV a fait ses preuves en la matière. Quand on sait aussi que le jeune étudiant en sciences politiques de la mosquée de Québec était un sympathisant des thèses de Marine Le Pen.

Larges déviances

Il faut que l’on comprenne aussi en Europe que la radicalisation ne touche pas que les dérives de l’islam, mais un spectre bien plus large de déviances. L’extrême droite violente en fait partie. Nos associations en Europe font un travail de pédagogie fondamental auprès du personnel public, mais également auprès des écoles, dans la prévention des dérives violentes de l’islam. […]

Nous ne sommes pas seuls et isolés et le partage d’expériences entre pays, voire entre continents, commence à faire son chemin. En juillet 2017, à Marseille, se tiendra à l’initiative d’UNISMED, soutenu par la Fondation de France et la Fondation roi Baudouin, la « Conférence euroméditerranéenne : réunir société civile, praticiens et chercheurs pour agir en amont de la radicalisation ». L’idée est de fédérer près d’une centaine d’organisations et de praticiens des deux rives de la Méditerranée pour créer un grand réseau euroméditerranéen de partage d’expériences de prévention de la radicalisation en matière d’islam violent. Car de nombreuses actions ont réussi. Il faut le dire. Et seule la prévention peut réussir à rattraper nos jeunes avant qu’il ne soit trop tard.

Les liens entre l’Europe et le Canada dans le domaine sont déjà importants. Cela prouve que, malgré des politiques d’État réticentes, la société civile est à l’avant-garde et doit être soutenue. C’est une mission de salut public et les mers doivent nous rapprocher, et non pas nous couper. Le problème est mondial, la solution le sera aussi. Pour que ces solutions ne soient pas définitivement noyées dans la peur, le rejet, les préjugés, la violence, la folie ! Et donnent le champ libre aux partis politiques populistes qui, une fois installés aux commandes de nos pays, risqueraient de parachever indirectement le souhait de Daech : enterrer ce terme considéré désormais par beaucoup comme éculé de « vouloir vivre ensemble ».

Notre urgence est donc bien de tout miser sur l’éducation, la culture, la production de contre-discours, la dynamisation des réseaux existants, la reconsidération de la question de la menace d’un point de vue euroméditerranéen et euroatlantique. C’est un défi que de (re)donner confiance à nos jeunes, de (res)susciter l’adhésion aux valeurs de la nation et de la démocratie, d’accentuer le combat contre les populismes haineux qui creusent notre tombeau. Il s’agit bel et bien en définitive de « penser » nos blessures et nos plaies, et plus uniquement de les panser en attendant le prochain drame !

Carte blanche Le Soir Un quinquennat décisif pour lutter contre le terrorisme

http://plus.lesoir.be/92567/article/2017-05-04/un-quinquennat-decisif-pour-lutter-contre-le-terrorisme-par-la-prevention-de-la#

Beaucoup ont pensé que le tragique attentat des Champs-Elysées survenu le 20 avril à trois jours du premier tour du scrutin présidentiel et qui a coûté la vie au policier Xavier Jugelé, renforcerait le camp des partisans de François Fillon. Ce n’était pas faute d’avoir essayé en propageant la rumeur ce soir-là que ce n’était pas un mais plusieurs attentats qui avaient eu lieu à Paris.

Les électeurs, une fois éliminé le candidat des Républicains, n’ont pas davantage renforcé le camp de Marine le Pen et c’est tant mieux. Les prévisions des sondages n’ont pas été bouleversées et les électeurs ont plébiscité Emmanuel Macron, qui a, en moins de trois ans, fait une percée fulgurante sur la scène nationale, dans un contexte permanent de risque terroriste.

Le lendemain de l’attentat, il déclarait pourtant devant les micros de RTL : «  Je ne vais pas inventer un programme de lutte contre le terrorisme dans la nuit  ». Y a-t-il de quoi s’inquiéter face à une candidate du FN qui trouve justement celui qui est finalement bien arrivé en tête du premier tour un peu «  faiblard  » sur ces questions de sécurité pour les Français face au « terrorisme islamiste » ? Quel est son plan exact en la matière s’il est élu président le 7 mai ? Lucide, il déclarait comme un fait que «  cette menace fera partie du quotidien des prochaines années  ». Le 4 février 2017, Emmanuel Macron livrait ses propositions en termes de lutte contre le terrorisme : «  Notre combat ce sera celui de la liberté  » avait-il déclaré lors de son meeting à Lyon. Il faut augmenter le budget de la défense pour le porter à un budget équivalent à 2 % du PIB, recrutement de 10.000 fonctionnaires, renforcement des capacités du renseignement territorial, création d’une police de sécurité quotidienne, renforcement de la coopération entre les services de police des Etats membres de l’UE. Quid en termes de prévention ? A ce stade pas grand-chose.

Développer des outils à l’école, sur internet, dans les quartiers

En avril 2017, le candidat Macron révélait son plan de lutte contre le terrorisme sur internet : lutte contre la propagande daeshiste et accès des autorités aux données chiffrées (notamment en contraignant les messageries instantanées à fournir à l’État leurs clés d’accès). En effet, Macron visait le rôle des nouvelles technologies dans la contagion des idées djihadistes sur nos territoires virtuels et réels, appelant à un plus grand contrôle sur les messageries instantanées.

C’est un début mais la menace islamiste ne s’enrayera pas en maintenant uniquement l’état d’urgence et le tout-sécuritaire, mais bien en privilégiant la prévention de la radicalisation par divers outils à l’école, dans les quartiers, sur internet, en prison.

Pour cela, il faut donner tous les moyens possibles aux associations et aux organismes de prévention qui travaillent en local et dans une articulation avec le national. Le dernier rapport sénatorial de 150 pages déposé par Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas le préconise largement. Or, les rapporteurs dénoncent entre 2016 et 2017 un ralentissement de la proportion des budgets liés à la prévention de la radicalisation dans l’enveloppe globale du FIPD, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance : en effet, si l’enveloppe consacrée à la prévention de la radicalisation augmente (de 9 à 15,1 millions d’euros entre 2016 et 2017), le pourcentage des crédits alloués à la prévention sur l’ensemble des crédits destinés à la lutte contre la radicalisation pas : «  En effet, en 2016, les crédits destinés à la prévention de la radicalisation représentaient 48 % de l’enveloppe consacrée à la lutte contre la radicalisation et le terrorisme, alors qu’en 2017 cette proportion dépasse à peine les 30 %  ». (1)

Réajuster les propositions

Défendre la prévention est un combat permanent. Il faut suivre cela de près car beaucoup voient la prévention comme un travail de trop longue haleine sans résultats immédiats. D’autant que nous sommes paraît-il à l’heure de la post-vérité, c’est-à-dire à un moment où les politiques orientent les débats vers la stimulation des émotions populaires plutôt que de les calmer ; ce qu’elles engendrent de contre-vérités l’emporterait alors sur la réalité. La réalité augmentée de ces passions décuplées devient alors vérité.

En plébiscitant Macron et Le Pen, les Français semblent partagés entre l’idée que le FN répondra à leurs peurs et de l’autre qu’En Marche ! les ramènera à la raison. L’un est populiste, l’autre ne l’est pas. Volontairement ou pas, il n’a pas surjoué la carte du risque terroriste. Mais l’inciter à prévoir davantage en termes de prévention ne signifie pas brandir les peurs !

Après celui des Champs-Eysées, le risque d’un nouvel attentat dans l’entre-deux tours reste plausible. Peut-il bouleverser la donne en faveur d’une candidate populiste plus ferme sur le sujet ? Avec le « Tous contre Le Pen », cela est peu probable. Mais c’est un risque présent pour les indécis, les déçus du scrutin du 23 avril, pour ceux qui rejettent le vote utile. Le peuple serait-il encore à même d’entendre les recommandations de leurs candidats déchus ? En tout cas les deux finalistes devront réajuster leurs propositions mais pas uniquement en termes de sécuritaire.

Emmanuel Macron doit renforcer son arsenal préventif et c’est là dessus qu’il peut se démarquer et rassurer. On ne sait que trop qu’il vaut mieux prévenir que guérir. C’est la seule solution et le travail local quotidien en faveur des jeunes doit avoir de plus grands moyens. Il y a peu de risque toutefois que Marine Le Pen gagne le second tour de l’élection présidentielle mais si le futur Président Macron ne met pas en application le duo sécurisation et prévention, les cinq années à venir, dans un contexte international des plus flambants, risquent bien d’être un chemin de croix qui ne favorisera à terme que l’extrême droite qui se préparerait alors de beaux jours pour 2022.

* Sébastien Boussois est coauteur, avec Asif Arif, de France Belgique, la diagonale terroriste (éd. La Boîte à Pandore, octobre 2016), préfacé par Marc Trévidic. (1) Voir rapport d’information nº483, p.93.

 

 

Paru dans Libération le 10 avril 2017 avec Hasna Hussein

http://www.liberation.fr/debats/2017/04/09/daech-l-armee-mediatique-gagne-du-terrain_1561570

Nous ne pouvons que nous réjouir du recul historique de Daech sur le sol syrien et irakien. Mais sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, il faut réaliser qu’une fois Daech éradiqué sur le terrain, nous allons nous retrouver confrontés à plusieurs menaces qui vont rapidement croître de manière exponentielle.

Faut-il alors se contenter de se satisfaire, comme beaucoup, d’une future victoire de la coalition ? Non, absolument pas. Bien sûr, l’Etat islamique (EI) se bat pour la survie territoriale de son califat. Certes, depuis le discours de proclamation dudit califat le 4 juillet 2014, Al-Baghdadi a bataillé pour maintenir ses positions contre la coalition occidentale. L’incessante bataille de Palmyre, prise, perdue, reprise, et finalement reperdue le 14 janvier, en est un parfait exemple. Des 91 000 km² conquis de 2012 à la naissance officielle de Daech sur la terre de Châm («Levant»), soit l’équivalent du Portugal ou de la Hongrie, l’organisation avait déjà perdu près de 15 % de son territoire en 2015. Puis le processus s’est accéléré. Aujourd’hui, le régime syrien, les Kurdes, et les forces occidentales ont reconquis Kobané, Dabiq, Minbej, Fallouja, Ramadi, Palmyre, Alep et probablement bientôt Mossoul. L’organisation terroriste a perdu depuis début 2016 plus d’un quart de son territoire initial. Elle restera dans l’histoire pour avoir provoqué une des plus graves crises humanitaires mondiales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Mais le plus inquiétant pour le monde occidental, pour le monde arabe à majorité musulmane et toute la planète, en réalité, est que plus le territoire de Daech se fait peau de chagrin, plus son idéologie se répand de manière directe ou insidieuse. Jamais nous n’avons connu autant d’attentats. Ce n’est pas tant le signe d’une agonie que celui de nouvelles vocations, de déceptions, de frustrations suscitées par une idéologie loin d’être moribonde.

L’autre source d’inquiétude est de constater que maintenant Daech «revend» sa marque de fabrique et crée, ou est sur le point de créer des «filiales» en Asie du Sud-Est, notamment en Indonésie, le plus grand pays musulman, ou dans des zones conflictuelles idéales au cœur d’Etats faibles ou faillis comme dans certains pays d’Afrique centrale, en proie à de régulières tensions entre chrétiens et musulmans. De quoi promettre à terme des guerres civiles et culturelles au sein même des Etats où l’idéologie destructrice de Daech a germé. Et plus que jamais, une grande partie de cette action continue de passer par la communication et la propagande, contrairement à ce que beaucoup pensent.

Daech inonde le cybermonde avec toutes sortes de productions médiatiques des plus modernes : images et vidéos de propagande, magazines, bulletins de guerre, textes de leaders, anasheed («chants jihadistes») disponibles en une trentaine de langues : arabe, français, anglais, allemand, chinois, turc… Le groupe terroriste poste en moyenne entre trois et quatre nouvelles vidéos de propagande par jour. La qualité est toujours au rendez-vous.Le professionnalisme médiatique de Daech s’inspire largement des arts et des nouvelles techniques de productions cinématographique et télévisuelle.

Les vidéos de Daech utilisent largement les effets spéciaux en image (3D) et en son (souvent des anasheed). Pour les images, il s’agit souvent d’une combinaison entre des clichés d’abord diffusés par les géants des médias d’information (CNN, Euronews, BBC, Al-Jezira, BFMTV, etc.) puis détournés, ou des images issues de la pop culture (de films tels que Saw, Matrix, American Sniper ou de videogames tels que Call of Duty, Mortal Kombat X et Grand Theft Auto) ; ou même des images tournées par les propres équipes médias de l’organisation terroriste.

Le nombre et la qualité professionnelle des productions de Daech révèlent la présence d’une armée médiatique interne et externe. Daech se dote de plusieurs équipes de professionnels dans les différents bureaux ; plusieurs centaines de vidéastes, producteurs et éditeurs dirigés par plusieurs équipes de hauts responsables médias. Ce sont des gens qui possèdent des compétences acquises parfois dans des chaînes ou studios professionnels, et qui maîtrisent les dernières technologies de la communication et de l’information. Les hauts responsables médiatiques sont traités comme des «émirs», au même rang que leurs équivalents militaires, formant une classe privilégiée, avec un statut, des salaires et des conditions de vie bien au-dessus des combattants ordinaires.

Le professionnalisme et le flux continu qui caractérisent la stratégie communicationnelle de Daech révèlent aussi l’énorme budget de cette machine de propagande médiatique. Les dépenses du bureau médiatique de Raqqa sont estimées à plus de deux millions de dollars. A l’instar d’autres régimes totalitaires, cette stratégie constitue un moyen de justifier sa raison d’être, d’exercer un contrôle politique et d’assurer sa survie. Il est donc urgent de produire en masse des discours alternatifs pour contrer cette propagande néofasciste.

Hasna Hussein est auteure du carnet de recherche : http://www.cdradical.hypotheses.org/

Sébastien Boussois Chercheur en sciences politiques associé à l’Université libre de Bruxelles (ULB), spécialiste des relations euroméditerranéennes , Hasna Hussein Sociologue du genre et des médias, chercheure associée au Centre Emile-Durkheim (Bordeaux)