Carte blanche Le Soir Un quinquennat décisif pour lutter contre le terrorisme

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Beaucoup ont pensé que le tragique attentat des Champs-Elysées survenu le 20 avril à trois jours du premier tour du scrutin présidentiel et qui a coûté la vie au policier Xavier Jugelé, renforcerait le camp des partisans de François Fillon. Ce n’était pas faute d’avoir essayé en propageant la rumeur ce soir-là que ce n’était pas un mais plusieurs attentats qui avaient eu lieu à Paris.

Les électeurs, une fois éliminé le candidat des Républicains, n’ont pas davantage renforcé le camp de Marine le Pen et c’est tant mieux. Les prévisions des sondages n’ont pas été bouleversées et les électeurs ont plébiscité Emmanuel Macron, qui a, en moins de trois ans, fait une percée fulgurante sur la scène nationale, dans un contexte permanent de risque terroriste.

Le lendemain de l’attentat, il déclarait pourtant devant les micros de RTL : «  Je ne vais pas inventer un programme de lutte contre le terrorisme dans la nuit  ». Y a-t-il de quoi s’inquiéter face à une candidate du FN qui trouve justement celui qui est finalement bien arrivé en tête du premier tour un peu «  faiblard  » sur ces questions de sécurité pour les Français face au « terrorisme islamiste » ? Quel est son plan exact en la matière s’il est élu président le 7 mai ? Lucide, il déclarait comme un fait que «  cette menace fera partie du quotidien des prochaines années  ». Le 4 février 2017, Emmanuel Macron livrait ses propositions en termes de lutte contre le terrorisme : «  Notre combat ce sera celui de la liberté  » avait-il déclaré lors de son meeting à Lyon. Il faut augmenter le budget de la défense pour le porter à un budget équivalent à 2 % du PIB, recrutement de 10.000 fonctionnaires, renforcement des capacités du renseignement territorial, création d’une police de sécurité quotidienne, renforcement de la coopération entre les services de police des Etats membres de l’UE. Quid en termes de prévention ? A ce stade pas grand-chose.

Développer des outils à l’école, sur internet, dans les quartiers

En avril 2017, le candidat Macron révélait son plan de lutte contre le terrorisme sur internet : lutte contre la propagande daeshiste et accès des autorités aux données chiffrées (notamment en contraignant les messageries instantanées à fournir à l’État leurs clés d’accès). En effet, Macron visait le rôle des nouvelles technologies dans la contagion des idées djihadistes sur nos territoires virtuels et réels, appelant à un plus grand contrôle sur les messageries instantanées.

C’est un début mais la menace islamiste ne s’enrayera pas en maintenant uniquement l’état d’urgence et le tout-sécuritaire, mais bien en privilégiant la prévention de la radicalisation par divers outils à l’école, dans les quartiers, sur internet, en prison.

Pour cela, il faut donner tous les moyens possibles aux associations et aux organismes de prévention qui travaillent en local et dans une articulation avec le national. Le dernier rapport sénatorial de 150 pages déposé par Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas le préconise largement. Or, les rapporteurs dénoncent entre 2016 et 2017 un ralentissement de la proportion des budgets liés à la prévention de la radicalisation dans l’enveloppe globale du FIPD, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance : en effet, si l’enveloppe consacrée à la prévention de la radicalisation augmente (de 9 à 15,1 millions d’euros entre 2016 et 2017), le pourcentage des crédits alloués à la prévention sur l’ensemble des crédits destinés à la lutte contre la radicalisation pas : «  En effet, en 2016, les crédits destinés à la prévention de la radicalisation représentaient 48 % de l’enveloppe consacrée à la lutte contre la radicalisation et le terrorisme, alors qu’en 2017 cette proportion dépasse à peine les 30 %  ». (1)

Réajuster les propositions

Défendre la prévention est un combat permanent. Il faut suivre cela de près car beaucoup voient la prévention comme un travail de trop longue haleine sans résultats immédiats. D’autant que nous sommes paraît-il à l’heure de la post-vérité, c’est-à-dire à un moment où les politiques orientent les débats vers la stimulation des émotions populaires plutôt que de les calmer ; ce qu’elles engendrent de contre-vérités l’emporterait alors sur la réalité. La réalité augmentée de ces passions décuplées devient alors vérité.

En plébiscitant Macron et Le Pen, les Français semblent partagés entre l’idée que le FN répondra à leurs peurs et de l’autre qu’En Marche ! les ramènera à la raison. L’un est populiste, l’autre ne l’est pas. Volontairement ou pas, il n’a pas surjoué la carte du risque terroriste. Mais l’inciter à prévoir davantage en termes de prévention ne signifie pas brandir les peurs !

Après celui des Champs-Eysées, le risque d’un nouvel attentat dans l’entre-deux tours reste plausible. Peut-il bouleverser la donne en faveur d’une candidate populiste plus ferme sur le sujet ? Avec le « Tous contre Le Pen », cela est peu probable. Mais c’est un risque présent pour les indécis, les déçus du scrutin du 23 avril, pour ceux qui rejettent le vote utile. Le peuple serait-il encore à même d’entendre les recommandations de leurs candidats déchus ? En tout cas les deux finalistes devront réajuster leurs propositions mais pas uniquement en termes de sécuritaire.

Emmanuel Macron doit renforcer son arsenal préventif et c’est là dessus qu’il peut se démarquer et rassurer. On ne sait que trop qu’il vaut mieux prévenir que guérir. C’est la seule solution et le travail local quotidien en faveur des jeunes doit avoir de plus grands moyens. Il y a peu de risque toutefois que Marine Le Pen gagne le second tour de l’élection présidentielle mais si le futur Président Macron ne met pas en application le duo sécurisation et prévention, les cinq années à venir, dans un contexte international des plus flambants, risquent bien d’être un chemin de croix qui ne favorisera à terme que l’extrême droite qui se préparerait alors de beaux jours pour 2022.

* Sébastien Boussois est coauteur, avec Asif Arif, de France Belgique, la diagonale terroriste (éd. La Boîte à Pandore, octobre 2016), préfacé par Marc Trévidic. (1) Voir rapport d’information nº483, p.93.

 

 

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